JEBENA BUNA.

En Éthiopie, le café est bien plus qu’une simple routine matinale - il représente une partie importante de la vie culturelle. Cela va de soi pour un pays qui boit du café depuis plus de 10 siècles. Même aujourd’hui, les éthiopiens consomment environ la moitié de leurs récoltes annuelles, exportant le reste.

La relation spéciale entre l’Éthiopie et le café n’est nulle part ailleurs plus apparente que dans sa cérémonie traditionnelle du jebena buna. Savouré entre amis et en famille, le café est bu lentement.

Durant la dernière décennie, un afflux de coffee shops occidentaux et la popularité grandissante du macchiato ont ajouté de nouveaux éléments à la culture du café en Éthiopie. Néanmoins, la cérémonie du jebena buna garde une place importante dans l’héritage national et y participer est une véritable expérience.

Le Lieu de Naissance du Café.

L’Éthiopie se veut être le berceau du café mais la découverte de ce fruit aurait pu ne jamais se produire si quelques chèvres et leur curieux berger Kaldi n’avaient pas décidé d’y goûter au IXème siècle. D’après la légende locale, le troupeau devint tout excité après avoir croqué dans un mystérieux fruit rouge. Remarquant leur attitude anormale, le vieux Kaldi amena les baies au monastère du coin où elle furent promptement brûlées, craignant que ce fruit ne contienne le Diable.

Par chance pour tous les amoureux de café dans le monde, les moines oublièrent rapidement Satan dès qu’ils sentirent l’odeur des grains torréfiés : comment est-ce que quelque chose qui sentait si bon pouvait être diabolique ? Les esprits pieux changèrent, les moines commencèrent à préparer cet étrange fruit avec de l’eau, mangeant les baies avant de boire le liquide. Tout à coup, les prières nuptiales et les séances de chant n’eurent jamais été aussi faciles.

La Cérémonie du Café.

Sensuellement riche et notoirement longue, la cérémonie du café en Éthiopie n’est pas faite pour les personnes pressées - ou avec une tolérance en caféine inférieure à celle d’un surhomme. Mais tout comme la boisson, c’est une expérience à savourer.

La cérémonie du café commence avec une hôte, toujours féminine, qui étale des assortiments d’herbes fraîches et de fleurs sur le sol et la table. Un encensoir typiquement rempli d’oliban ou de bois de santal est allumé, remplissant l’air d’un délicieux arôme.

Ensuite, des graines de café crues sont lavées avant d’être torréfiées soigneusement dans une poêle au-dessus d’un feu de charbon à ciel ouvert. Le feu continue jusqu’a ce que les graines soient noires et carbonisées. Souvent, l’hôte encourage les invités à sentir les graines, tenant la poêle sous leur nez avide de sensations. À ce moment-là, l’odeur du café se mélange avec l’encens, créant un effet enivrant.

Les graines sont vigoureusement moulues à l’aide d’un pilon et d’un mortier avant d’être ajoutées au jebena, un pot à bec spécial contenant de l’eau bouillante. Le jebena est replacé sur le charbon pour extraire le café.

Une fois le café extrait, l’hôte le verse soigneusement dans de petites tasses dépourvues d’anses. Elles sont remplies à ras bord et réussir à boire son café sans en faire tomber une goutte est un art à part entière. Le café est amer, puissant, avec beaucoup de corps.

L’Élément Social.

Outre la belle présentation, la cérémonie contient un fort élément social et culturel. Les trois tasses servies jouent chacune un rôle distinct dans le rituel. Arbol, la première, est la plus forte. La deuxième tasse, ou tona, est plus douce. La dernière, berekha, est la plus importante parce qu’elle signifie la bénédiction. Dans les foyers éthiopiens les plus traditionnels, particulièrement en zones rurales, la cérémonie a lieu au moins trois fois par jour. En tout, cela représente donc neuf tasses à vous briser le sommeil.

Bien que les meilleurs expériences caféinées se déroulent indubitablement à l’intérieur des foyers éthiopiens, c’est devenu de plus en plus commun de pratiquer des cérémonies de café, parfois plus courtes que celle décrite plus haut, dans des cafés à travers le pays, de Addis-Abeba à Axum. Parfois, les cafés sont seulement des tentes sur le bord de la route avec des tabourets en plastique et le kit de café traditionnel.

Finissons sur ce beau proverbe éthiopien : “Plutôt que l’ange inconnu, mieux vaut le démon qu’on connaît”.

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